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VOIE SANS ISSUE

  • Photo du rédacteur: Les carnets d'Asclépios
    Les carnets d'Asclépios
  • 24 juin 2021
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 17 juin 2024



Il est neuf heures, la matinée débute et une fois n’est pas coutume, tous les médecins gèrent des secteurs plutôt calmes. Nous sommes tous réunis dans l’office, l’ambiance qui était initialement calme s’est vite réchauffée par la conversation. Réunissez des médecins ensemble et il arrive forcément un moment pour que les histoires de chasse débarquent sur la table. En l’occurrence, ce matin, les histoires de chasse concernaient les objets que nous avions vu retirer de l’orifice et de la partie distale du tube digestif plus communément appelé anus et son antichambre que l’on nomme le rectum. Vous en conviendrez, une conversation très enlevée pour l’heure, mais que voulez-vous, l’art de la conversation est une tradition bien française. Après le brillant exposé du docteure Z. sur son patient trop amoureux du billard, nous avons enchainé sur la croustillante histoire du docteure M. et de ce papi qui aimait un peu trop les pots de Blédina. Quand je parle des pots, je parle bien du contenant et non du contenu (même si le contenu devait être apprécié puisque le pot était vide lors de son explosion dans la mine). Nous avons eu l’immense plaisir de monter en gamme avec l’histoire du docteur I. et de sa patiente ayant maladroitement réalisé un vol plané lors du grand ménage pour au final subir un violent traumatisme rectal après être retombée malencontreusement sur l’embout de son aspirateur en marche… On néglige beaucoup la prévention concernant les accidents domestiques. Après cette charmante histoire, il semblerait que les regards se soient portés sur moi. Pas question de se dégonfler, un petit silence prend place dans la pièce, non pas que je sois envahi par le manque d’inspiration mais au contraire par mon indécision tant la sélection est difficile dans la longue liste de mes feuilletons. Une histoire me vient enfin, elle est assez cocasse et a donc fait l’objet de mon choix. Je suis interne aux urgences (Ces histoires ne se rencontrent pratiquement que dans ce service) et je ne suis là que pour assurer la permanence du samedi matin. Á huit heures, deux hommes patientent en salle d’attente. Sur les deux, l’un semble avoir de grandes difficultés à marcher ou s’assoir. L’homme est enfin installé dans un box pour être examiné. Il nous explique que lui et son copain resté en salle d’attente se sont essayés à apporter un peu de piment dans leur vie sexuel en utilisant une courgette. La soirée débutait pourtant bien quand sous le coup de l’excitation, madame courgette décida de partir à la conquête du mont colon et disparut sans sommassions. Malgré de difficiles efforts pour la rapatrier, madame courgette était lancée et rien ne pouvait plus la faire renoncer. Après quelques heures il fallut bien s’y résoudre, consulté le docteur pour en découdre. Voici donc Monsieur O. accompagné par l’homme à qui la cucurbitacée a réussi à échapper. La première étape c’est la radiographie. Comme on pouvait s’y attendre, la courgette étant un légume et comme tous les légumes, constituée majoritairement d’eau, elle est comme qui dirait radio transparente, autant dire invisible sur l’examen. Á la clinique on fait chou blanc, la courgette étant partie la tête la première et la queue derrière, elle ne ressortira pas. Une seule solution et elle est radicale, c’est le bloc chirurgical. Le patient est placé dans un coin pendant qu’on appelle les chirurgiens et qu’ils lui trouvent une place pour attendre l’accouchement par voie basse. Voilà une histoire banale d’exploration rectale, mais elle fut teintée d’une petite particularité. Vers la fin de mon service, peu avant midi, je me prépare à partir quand coup de théâtre, le téléphone ouvre le dernier acte. L’infirmier qui se trouve à côté de moi reçoit un appel de son homologue de l’accueil. Il s’avère que ce dernier est en compagnie de la charmante épouse de Monsieur O. Elle vient d’apprendre, allez savoir comment, que son mari est hospitalisé mais sans en connaitre la raison. Cet homme en salle d’attente que nous pensions être le conjoint de monsieur O. n’est en fait que l’amant. Comment gérer cette situation gênante ? Et bien elle l’a été par un monument de couardise. Ne souhaitant pas superviser la scène de ménage au milieu des urgences, nous avons demandé à ce que l’épouse soit retenue un instant à l’entrée et avons forcé la monté du patient dans le service de chirurgie viscérale. La patate chaude était lancée aux collègues de l’étage. Pas très courageux j’en conviens, mais je fais repentance aujourd’hui. Je sais qu’il faudra payer un jour cette bassesse, mais pour l’heure, je me suis évité une grosse brouille qui risquait de finir en ratatouille. Voilà donc le sujet d’une conversation de médecins au café du mercredi matin. Récits un peu crus et en dessous de la ceinture, mais avec qui d’autre pouvons-nous partager ces histoires hors du commun qu’avec nos consœurs et confrères qui ont connu les mêmes galères ?




Iconographie: L'Arbre de Paul McCarthy








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