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CARNET DE BORD (26 septembre - 04 octobre 2022)

  • Photo du rédacteur: Les carnets d'Asclépios
    Les carnets d'Asclépios
  • 12 oct. 2022
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 13 mai 2024


Lundi 26 septembre 2022, 10 heures et 12 minutes.


Je suis dans le couloir et j’entends un brancardier exiger avec un sourire satisfait tout un tas de doléances à l’infirmière et l’interne de secteur. Il roule des mécaniques devant son collègue en lui expliquant « les rouages » et semble goguenard à l’idée de diriger ces deux femmes à la baguette. Le tout se fait avec désinvolture devant le patient. Enfin, il termine son spectacle en demandant un masque pour le patient, le tout en portant le sien sous le menton. C’est à ce moment que je décide de réagir on lui indiquant que le masque se porte sur le nez. Il le remonte un peu morveux juste sous sa proéminence nasale. Je ne sais si le problème vient des oreilles ou de l’organe qui se trouve entre, mais je répète plus distinctement : « Au-dessus du nez ». Il s’exécute, puis plus tard, en partant, ne manquera pas de me moquer en lançant à son comparse, assez bas mais suffisamment haut, comme une bravade à l’autorité « Au-dessus du nez ! ».


On fait le malin avec les filles devant son copain, on ne respecte pas la règle, on se moque des mauvaises remarques… L’école primaire à l’hôpital, ça donne une idée du niveau intellectuel requis et du professionnalisme qu’on s’impose. Mais ça répond surtout à une question… ce n’était pas les oreilles le problème.






Mardi 27 septembre 2022, 14 heures et 47 minutes.


Aujourd’hui je viens de perdre un patient d’un choc septique qui compliquait une prostatite parce que les urgentistes ont gardé le patient 3 jours sans rien faire, ni demander d’examen, ni demander d’avis à un copain et donc sans traiter. Lorsqu’on l’a récupéré, il était trop tard.


Aujourd’hui, dans le même lit, je viens de prendre en charge une patiente qui était passée aux urgences il y 15 jours pour une insuffisance rénale avec hyperéosinophilie et oligo-anurie. Elle a été renvoyée chez elle avec des antibiotiques pour traiter une infection urinaire qu’elle n’a jamais eu. En revoyant le dossier à trois médecins, aucun signe n’évoquait ce diagnostic. Elle revient parce que forcément, son état ne s’est pas amélioré.

On aurait presque plus de réussite en jouant les diagnostics aux lancés de dés.


L’idée est à creuser





Mercredi 28 septembre 2022, 17 heures 30 minutes


Dernier jour ! C’est la fin pour le docteur A. Ce chirurgien part en vacances définitives, celles qu’on mérites après une vie de bons et loyaux services. Trente années qu’il a consacrées à son service dans cet hôpital. Il est l’un voire le docteur le plus ancien de l’établissement. Il a vu défiler directeurs et directrices, managé des dizaines de collègues, formé encore plus d’internes, monté une activité à partir de rien pour donner une réputation nationale à son unité et par extension au centre hospitalier. Ce monsieur est un pilier de l’établissement qui a fourni au bassin de population une offre de soin de qualité. Toutes et tous demandent à être opérés par le docteur A. Pour l’avoir côtoyé quelques fois, il reste simple et disponible. Pour son départ, il n’a reçu aucun message, aucun courrier, aucun courriel de la part de l’administration. Enfin si, un mail, un message court, concis, limpide :


« Merci de rendre votre badge et votre téléphone avant le 28 septembre au soir, Bien cordialement, la secrétaire de direction »


Voilà à quoi nous sommes rendus. Il ne s’agit bien sûr pas de monter une statue de lui devant l’hôpital, mais peut être que faire preuve de cette petite attention qui fait défaut à notre système, cette petite marque qu’on appelle simplement Humanité ferait la joie de cet homme qui a tant donné.


Alors Merci docteur A. et bon vent.






Jeudi 29 septembre 2022 à 08 heures et 45 minutes


Mail du directeur, c’est la journée du « Merci ». Chaque service se verra doté de quelques gâteaux de ménage à partager autour d’un café…


Hier il insultait copieusement les syndicats au cours d’une réunion sur les risques psycho-sociaux au travail.

Rien à ajouter.


Ah si : Merci !


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Jeudi 29 septembre 2022 à 10 heures 41


Madame Chat réside ici depuis 4 jours. Une crise d’épilepsie et un scanner plus tard, elle hérite d’une tumeur cérébrale de la taille d’une cerise. Le 28 au soir, ses propos s’embrouillent. Le 29 au matin, elle est totalement habitée. Ce n’est plus elle qui est aux manettes, mais bel et bien le fruit funeste qui loge dans sa tête. Si l’on est attentif, on note de fin tremblements de son pied droit.

La patiente se complique donc brutalement. La lésion n’a pas grossi spontanément mais elle a pu saigner, ce qui est inquiétant.

Le protocole, mais plus globalement le bon sens, la logique, obligent à réaliser un scanner de contrôle pour comparer les deux images distantes de 4 journées.

Le radiologue à qui je demande de réaliser l’examen me rétorque que la patiente a déjà bénéficié d’un scanner il y a 4 jours.

J’estime avoir de la répartie mais je reste toujours coi devant la bêtise.

Il y a 4 jours, elle me désignait pas le fauteuil en m’expliquant qu’elle « doit voir le cheval pour monter sur le devant »

« Je suis prêt à parier qu’il n’y aura rien » me lance-t-il sûr de lui.

Je m’agace !

Depuis quand fait-on de la médecine en pariant?

Peut-être qu’elle n’a rien mais peut être qu’elle a quelque chose. Pour savoir si madame Chat est vivante ou morte, une seule solution, ouvrir la boîte.

Mais il insiste, « Moi je pense qu’il n’y aura rien ».

« Pas de problème, si vous me l’écrivez et me le signez noir sur blanc, je le consigne au dossier et je n’insiste pas pour le scanner »

« Non, non, je vais vous faire l’examen » me dit-il.


La recherche scientifique sur la greffe de neurones avance à grands pas, malheureusement pour notre radiologue du jour, ce n’est pas le cas de la greffe de courage.






Vendredi 30 septembre de 2022 à 09 heures et 12 minutes


J’apprends que monsieur M. qui a intégré l’EPHAD il y a 10 jours a été renvoyé aux urgences puis admis dans notre service.

Monsieur M. attoucherait d’autres résidentes de l’établissement. Il ne présente aucun problème médical.

L’établissement d’accueil (privé) d’un grand groupe connu, ne cherche pas de solution. Pas d’organisation d’un retour à domicile, pas de discussion avec la famille, pas de procédure, pas d'appel d'un médecin, ils envoient le patient aux urgences pour une affaire interne à leur établissement.

C’est un problème judiciaire, social voire de soins psychiatriques, mais on balance impunément cette personne aux urgences comme on jette un papier à la poubelle.

La pratique est habituelle pour cet établissement lorsqu'il souhaite se débarrasser d’un résident qui « pose des difficultés » pour quelque raison (non médicale) que ce soit : on adresse aux urgences, c’est rapide, efficace et les directions ne portent pas plainte.

Ça coûte de l’argent, surcharge les hôpitaux et épuise le personnel…


Merci de votre bienveillance Korian.






Mardi 4 octobre de 2022, 12 heures et 16 minutes.


Dr Ursus Arctos : Elle chauffe pas la patiente ? Je la trouve chaude.

IDE: Si, elle a 37,5°C.

Dr Ursus Arctos: Donc elle ne chauffe pas...

IDE: Si! Elle avait 38 à une oreille et 37 à l'autre, on a fait la moyenne.

On a tous le droit à un moment de faiblesse...







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