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LA COMMUNAUTÉ

  • Photo du rédacteur: Les carnets d'Asclépios
    Les carnets d'Asclépios
  • 15 oct. 2022
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 13 mai 2024





Je ne cesse de critiquer le système médical et à raison. Mais j’aimerais rendre hommage aux personnes qui le rendent beau. Je voudrais parler de cette guilde de musiciens qui jouent du violon sur le pont d’un bateau en train de sombrer. Ces héros du quotidien qui marchent vers une quête sans fin, sur un chemin qui les tuera sans doute aucun.


Je pense au docteur R. Plant qui se lève chaque matin depuis 22 ans pour s’occuper de son service qu’il voit péricliter. Tous les jours il bougonne, il ronchonne, mais ensuite, comme lavé par la vocation, il est d’une tendresse désarmante avec ses patients tous plus vieux les uns que les autres. Humble, il s’informe lorsqu’il est incertain. Les malades bénéficient ainsi de la qualité de soin d’un système presque serein.


Il y a madame Ressort, infirmière de son état. Ancienne aide-soignante, elle reprend ses études et évolue. Voilà quatre ans depuis le changement. Elle se dépatouille dans cette ratatouille d’incompétence, de nonchalance et d’incohérences qu’est l’hôpital public. Pourtant, comme une pierre précieuse au milieu de la roche, elle n’a de cesse de briller le plus fort possible. Une vraie pointe de diamant qui tranche dans ce néant.


Il y a également la docteure T. Ornade, cheffe de service qui se bat dans un hôpital gangréné par la compromission pour fait triompher la morale. Grand mal lui prend, elle est isolée, critiquée, décrédibilisée. Mais elle est là et elle suit le cap. Un phare dans la tempête.


Je vois la docteure N. Ala qui malgré les déconvenues, les affronts, les insultes presque quotidiennes s’accroche à des victoires obtenues sur des objectifs qu’elle s’est elle-même fixés. Elle avance ainsi de point en point pour guider les malades vers le soin.


Il y a madame B. Ouscule qui met un point d’honneur à ce que chaque patient soit lavé, levé, lové. Tout ça quand son collègue traine des pieds et insulte les vieux déments trop encombrants.


Dans tout ce marasme, il reste des gens convaincus de ce qu’ils font, c’est sur ces personnes que s’appuie l’institution. Leur mérite est de continuer à se battre alors que rien ne va, de continuer à jouer alors que la fin est dessinée. Ils avancent, les uns derrière les autres et traversent les monts et les vaux, les pics et les déserts, comme un seul ils persévèrent et s’appliquent.


Sur les quatre derniers services que j’ai traversés, trois étaient tenus par des médecin d’une cinquantaine d’années, les trois, dans des régions différentes. Sans se concerter, chacun m’a expliqué qu’il ne se reconnaissait plus dans ce qu’il faisait. Tous avaient le même âge, les trois connaissaient leur service depuis vingt ans, et pourtant ils avaient tous pour projet d’arrêter.


Ces chiffres sont les miens, mais plus de cinquante pour cent des professionnels de santé que j’interroge souhaitent arrêter de travailler à l’hôpital. Comment est-on passé il y a deux décennies d’être prêt à donner son âme pour entrer et faire partie de l’hôpital public et maintenant être prêt à la sacrifier pour en sortir ?


Bref,


Je voulais mettre un peu de lumière sur cette guilde, cette communauté de femmes et d’hommes qui se lèvent chaque matin ou chaque soir pour tenir ce rafiot pourri légèrement au-dessus de l’eau.

Mesdames, messieurs, merci de continuer votre aventure, car si l’on vous suit et que l’on regarde loin devant vous, si l’on fixe suffisamment longtemps l’horizon, il me semble bien voir un peu de lumière, et même si nous n’y parvenons jamais, je suis honoré de pouvoir marcher à vos côtés avec l’espoir d’y arriver.




Iconographie: La Communauté de l'Anneau par Peter Jackson







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