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PROCÈS

  • Photo du rédacteur: Les carnets d'Asclépios
    Les carnets d'Asclépios
  • 27 sept. 2022
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 13 mai 2024



Chaque jour des erreurs sont commises mais sans inquiétude car les procès ne sont jamais de mise.

Les journées sont rares où je ne m’offusque d’un manquement dans une prise en charge. Le plus gros pourvoyeur d’erreur est sans nulle doute le service des urgences. Mais soyez rassurés (ou pas) les autres ne sont pas en reste.

Les urgences sont des services dépassés, peuplés de médecins désabusés. Je n’ai jamais vu des spécialistes se trouver plus d’excuses que dans ces unités : « Nous ne sommes pas là pour trouver un diagnostic » ; « notre rôle est de gérer l’urgence vitale » ; « le bilan sera fait dans le service hospitalier » ; et j’en passe. C'est un mécanisme de défense mis en place par notre première ligne hospitalière, la plus mise à mal.

Mais c'est ainsi qu’on se retrouve avec des malades non examinés, étiquetés de fous, de vieux, de déments, de mourants, qu’on réceptionne avec des bilans lancés à la hâte sans que les malades ne soient évalués. On coche des cases d’examens qu’on ne regardera même pas.

Le patient est vivant, il a une bonne tension, il n’y a pas de détresse vitale, je passe la main au copain suivant sans me poser plus de question. On se cache derrière le flux ininterrompu de patients, ce n’est pas de leur faute mais de celle du courant. Bref, vous comprendrez que la porte d’entrée est déjà piégée.


Vient ensuite la phase du transfert. Le patient arrive dans le couloir d’un service où il n’est pas attendu. Forcément, la chambre n’est pas prête. Le patient est covid ? Laissez-le stagner dans les allées, l’épidémie n’en reprendra que mieux. Plus de communication entre les unités, aucune coordination. On découvre les malades dans un lit, comme tombés du ciel.


Une fois entassé dans le service, ce n’est pas la panacée. Le sous-effectif est de mise aussi. Lorsqu’un médecin s’occupe de 15, 17, 20 patients, le temps octroyé par malade diminue. On oublie un potassium, on surdose l’anticoagulant, on se trompe de patient. Le fait de se faire insulter par les patients et leur famille n’incite d’ailleurs pas à s’améliorer. Puis le malade change de médecin et l’information se perd. Les examens demandés seront retardés par le manque de personnel, par le manque de volonté ou de capacité. Médicament prescrit en double, administré au voisin, oublié.

Pas une journée sans que matière à plainte il n’y ait.


Ensuite la demande de soins de suites et de réadaptations sera refusée à de multiples reprises pour gagner du temps, réduire la durée de passage dans ces structures et forcément faire perdre des chances aux patients.


Pourtant, malgré ce bordel hospitalier, toutes les plaintes que j’ai pu voir passer concernaient des motifs futiles. Futile, ça ne l’est jamais pour la famille, mais les administrations rigolent. Plainte parce que le plateau du midi est resté trois heures sans être débarrassé ou parce que le café était froid. Plainte parce que le médecin n’a pas prévu précisément l'heure de la mort pour un malade en fin de vie. Plainte parce que le médecin n’a pas donné de nouvelles ou s'est montré froid.


Malheureusement, quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, la plainte tombe à côté. La majeure partie des erreurs passent inaperçues.


Pourquoi ?


Parce que vous n’en êtes jamais informés. Parce que les médecins se couvrent entre eux. Parce qu’un docteur en médecine qui tenterait de dire la vérité se verrait attaqué par l’administration, le conseil de l’ordre et/ou la justice.

Exemple datant de ce matin : je reçois un patient dans mon service. 85 ans, insuffisance cardiaque sévère, œdème aigu du poumon.


Il arrive à 11 :42 aux urgences, il est vu par un médecin qui note trois lignes dans son dossier. Il fait pourtant le bon diagnostic mais ne lui prescrit aucun traitement. Le patient aurait pu se compliquer gravement, mais ce n’est pas le cas. Personne ne s’occupe de lui jusqu’à 08 :30 le lendemain matin. Je reprends son dossier et le traite. Il s’améliore, sort de l’hôpital et personne n’entendra parler de ce problème hors-mi les infirmière et aides-soignant(e)s témoins de mon envolée lyrique : « Quel travail de branleur, il ne fait pas bon être malade à notre époque ». Quand bien même le patient serait mort, on aurait enveloppé la vérité en mentant honteusement : « Son cœur était malade, blablabla » « On a fait ce qu’on pouvait, gnagnagna ». Sauf que non, je vois plusieurs fois par an des décès suite à des loupés. Mais personne ne dit rien et la famille nous remercie pour nos bons soins.


Alors il y a bien sûr les erreurs consubstantielles à la médecine., celles qui sont imputables au doute, à la difficulté de traiter et qui selon moi ne méritent même pas d’être qualifiées d’erreurs. Mais là je vous parle d’erreurs évitables qui proviennent de manque de bon sens ou de compétence. Même dans des services réputés et hyperspécialisés, même dans de grands CHU on voit des fautes crasses. On va certes traiter avec brio le syndrome de Wolff-Parkinson-White mais laisser partir le patient avec une pneumonie débutante. Le problème de cardiologie est traité mais à quoi bon si c'est pour revenir à l’hôpital dix jours plus tard ?

On va désobstruer l’urètre de son calcul, puis laissé se déshydrater le malade.

Vous avez compris le principe.

Les procès pour de mauvaises raisons foisonnent.

Moi je vous encourage à demander les dossiers et à vous faire assister d'un médecin. Demandez les dossiers et harcelez les hôpitaux.

Ne vous en prenez pas aux pauvres aides-soignantes qui n’y sont pour rien, allez voir les directeurs.


Je vous le dis, je suis médecin hospitalier et je vous demande de ne plus avoir confiance en nous, faites exploser ce système car vous seul avez le pouvoir. Trop de médecins se sentent protégés car il est vrai qu’ils ne risquent presque rien.

J’ai cru que je pourrais faire avancer les choses seul: je transmets des feuilles de dysfonctionnements régulièrement et parfois pour des problèmes graves qui ont pu entrainer la mort. Soit elles terminent dans une corbeille, soit on me demande de la mettre en veilleuse. Les directions n’ont plus peur des médecins, la seule chose qu’ils redoutent c’est vous, votre mécontentement et surtout la justice.


Faites tombez ces châteaux de cartes car le jour où vous serez dans un lit avec le médicament de votre voisin dans le bras, il sera trop tard pour dire que vous ne saviez pas.





Iconographie: Saint Georges terrassant le Dragon par Wassily Kandinsky







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