ICONOPHILIE

Voilà, c’est fait, les 9000 nouveaux médecins français ont trouvé chaussures à leur pieds ou spécialité à leurs ambitions.

Comme tous les mois de septembre, la grande braderie des postes d’internes se tient. Le classement du concours se déroulant en mai permet ainsi aux étudiants les plus méritants de choisir en premier leur spécialité et leur ville d’affectation. Cette année, comme la précédente, c’est la chirurgie plastique, esthétique et reconstructrice qui occupait la première place.

Ne vous méprenez pas, aucune épidémie de vocations à cette discipline ne plane sur notre pays. Avec tout le respect que je peux avoir pour ces chirurgiens, la médecine esthétique gravite à la périphérie de la galaxie médicale, à la frontière entre le soin et le confort.

Il y a bien sûr le mot « reconstructrice » dans l’intitulé, mais ce n’est évidemment pas ce pan qui attire bien qu’il soit le plus important.

Ce qui motive c’est cette image, celle du façonneur de corps, de sublimateur du superficiel. Il y a eu des générations de médecins voulant devenir les nouveaux Pasteur, Barnard, Montagnier. Celui-ci se voyait un grand neurologue, celui-là un cardiologue, l’autre le solide généraliste de son boccage natal. Maintenant on a faim de rhinoplasties et d’augmentations mammaires, de comptes en banque garnit, de cabinets feutrés et de caprices de riches. La médecine est à l’image de la société, amoureuse de l’apparence, iconophile de l’image, comme une mise en abyme moderne aussi vide et insipide que nos ambitions.

Heureusement, il reste les spécialités qui suivent pour relever le niveau des aspirations : l’ophtalmologie et la dermatologie. Pas de passion pour le grain de beauté ou la rétine, mais l’argent et le temps libre. Voici un monde qui a vu la médecine dépossédée de l’Histoire, de la Culture, de la Philosophie par un monde post moderne, libéral et artificiel qui nivelle l’humain vers le bas pour aspiré à un peu plus d’égalité.

Alors Bienvenus aux nouveaux iconophiles qui feront de notre monde un idéal, une population malade mais au faciès épuré et aux seins parfaits.

Iconographie: Echo et Narcisse par John William Waterhouse

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