LE BRUIT DES SABOTS
- Les carnets d'Asclépios
- 24 juin 2021
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 18 juin 2024

Deuxième année d’internat. Médecine interne.
La médecine interne, la discipline reine de l’hôpital. Spécialité parmi les spécialités. J’aime sa philosophie qui colle à la mienne. Être spécialiste de rien mais connaisseur de tout.
Domaine des diagnostics difficiles et des patients polypathologiques, elle englobe également la prise en charge des maladies rares et auto-immunes. Bref, si le médecin traitant est le généraliste de premier recours, l’interniste est le généraliste du dernier.
Je suis donc interne dans ce service. Depuis des jours, j’entends parler du fameux patient de trente ans qui présente une fièvre élevée depuis quelques jours et dont personne n’arrive à déceler l’origine.
Le médecin en charge du dossier ainsi que son interne, Laura, tournent autours depuis quatre jours. Bilans biologiques à rallonge, scanners du thorax, de l’abdomen, du pelvis, électrocardiogramme, échographie cardiaque, analyses d’urines, … la prochaine étape c’est le pet-scanner.
Le patient qui supporte plutôt bien sa fièvre commence à trouver le temps long.
Il s’agit donc de se creuser la tête et vite. Lupus ? Vascularite ? maladie infectieuse ? maladie de Whipple peut être ? Maladie de Still ?
J’entends un escadron d’idées virevolter entre médecins mais le vendredi arrive sans qu’aucune idée ne prime.
C’est moi qui suis désigné pour assurer la visite du samedi matin. Laura me fait donc un résumé des patients dont monsieur H. qui chauffe encore à trente-neuf.
Face à ce cas intéressant, j’aimerais réussir un coup d’éclat. Etant en cours de formation sur les maladies auto-immunes, je rêverais de briller auprès du chef de service en découvrant la maladie mystère. C’est là le fantasme de tout jeune médecin, poser le diagnostic auquel personne ne pensait. Être le point culminant de cet épisode digne du meilleur docteur House.
Vient alors la visite, je vois tous les patients et garde monsieur H. pour la fin…
Je reprends son dossier, étudie son histoire, la description de son examen clinique, je décortique chaque prise de sang, regarde chaque scanner dans l’espoir de voir le signe que même le radiologue aurait négligé… et rien. Le patient a juste de la fièvre.
Dernière chance, l’interrogatoire et l’examen physique. J’entre dans la chambre encore plein d’espoir de faire le casse du siècle.
Je me présente, explique au patient que malgré tous ses examens, j’aimerais refaire le point sur son cas.
Le patient semble un peu désabusé mais obtempère. Il m’explique qu’il a de la fièvre à quarante depuis une petite semaine, sans autre symptôme. Je lui pose quelques questions bateaux pour ne rien oublier, et le patient me répond qu’effectivement, oui, il a mal à la gorge.
Je demande si un médecin a déjà jeté un coup d’œil cette semaine. Réponse sans équivoque : NON.
J’entreprends le patient avec mon examen ORL, et là, le signe qui ne trompe pas, le moment tant attendu, le diagnostic se trouve au bout de ma lampe… une angine. Une simple angine. Une belle angine, comme dans les livres, mais une angine quand même.
Je fais un test rapide, il est positif, c’est une bactérie. Cinq jours d’antibiotique et tout est rentré dans l’ordre.
Après une semaine passé dans le service de pointe de l’hôpital, le patient sortait avec une angine. A vouloir faire trop compliqué, on en oublie parfois les choses simples. En même temps, si on demande à un interniste de chercher la cause d’une fièvre inexpliquée, et bien il cherche. Heureusement qu’un interne de médecine générale en reconversion passait par là.
« Lorsqu’on entend des bruits de sabots, il faut penser à un cheval avant de penser à un zèbre »
Proverbe d’interniste
Iconographie: Mister Stripe de Tein Lucasson.
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