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IL N'Y A PAS DE PETIT PLAISIR

  • Photo du rédacteur: Les carnets d'Asclépios
    Les carnets d'Asclépios
  • 21 juin 2021
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 mai 2024



Á l’époque, je suis interne en médecine interne. Comme tous les matins, je fais ma visite accompagné de mon fidèle ordinateur sur roulettes.

Je suis dans le couloir, les yeux rivés sur l’écran. Dans le service, la routine : Une infirmière pousse un chariot pour aller refaire le pansement du patient chambre 205, un médecin en face fait également sa visite semblant mimer ma position tombante sur le clavier. On entend un cri de patient confus qui appelle sa femme, plus loin une sonnette assortie de sa lumière rouge suspendue à la porte d’une chambre se met en marche, bref, une matinée normale.

Il y a une autre constante depuis maintenant quinze jours : Madame T., 78 ans, atteinte d’une démence de type Alzheimer évoluée qui, comme tous les jours après le petit déjeuner et jusqu’à l’heure du déjeuner, fait des tours de service. L’expression « Quand on n’a pas de tête, on a des jambes » n’a jamais trouvé meilleure ambassadrice. Donc, comme chaque jour, devant mon chariot orné de son ordinateur collé au mur, je sens passer dans mon dos, à intervalle régulier, madame T.

Alors que je mets toute ma concentration de jeune interne dans la lecture d’un dossier, mon subconscient perçoit tout de même notre marcheuse qui négocie le virage et arrive par ma gauche, puis, plus rien, elle n’apparait plus à ma droite. Le temps que mon thalamus intègre l’information et m’arrête dans ma tache pour me signaler une chose anormale, je sens s’exercer avec toute la vigueur possible une pression, que dis-je, un pétrissement franc et appuyé de deux mains sur chacune de mes fesses.

Autant dire que mon cortex sensitif a pris le pas sur mon thalamus. Surpris, je me retourne et trouve deux yeux bleus, au regard très coquin, fixer mon visage. Pas une once de culpabilité, juste un léger sourire satisfait, puis, l’air de rien, la patiente reprend sa déambulation.

Cette patiente au visage habituellement amimique s’était éveillée quelques secondes.

J’aime à penser que Madame T., pratiquante de l’hédonisme sénile, s’est dit qu’il n’y avait pas de petit plaisir.




Iconographie: La petite gourmande de Pierre Lussier.







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