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PSYCHOSOMATIQUE?

  • Photo du rédacteur: Les carnets d'Asclépios
    Les carnets d'Asclépios
  • 25 janv. 2022
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 22 mai 2024



J’entame ma visite et fais la rencontre d’une charmante créature que l’on nomme une humaine. Hébergée dans notre bel établissement pour une suspicion d’accident ischémique transitoire, elle a vu son réseau électrique neuronal subir une intense surtension entrainant de facto des paresthésies du membre supérieur gauche (c’est des fourmis dans le bras mais c’est moins classe dit comme ça).

La crise dure pendant cinq minutes et puis plus rien. Les médecins urgentistes concluent à un AIT, elle est donc hospitalisée pour réaliser quelques examens de routine, histoire de valider le contrôle technique des quatre-vingt-cinq printemps.

C’est lors de son quatrième jour que je fais sa rencontre car aujourd’hui je remplace ma consœur partie en formation. Comme toute reprise de dossier, je réinterroge la patiente pour m’approprier son histoire.

Le courant s’établit bien et permet un temps propice aux confidences de madame Y. Elle m’explique que les troubles dans la main n’étaient pas à leur première apparition. Quelques jours après le décès brutal de sa sœur il y a quelques semaines, elle a présenté les mêmes sensations.

D’ailleurs, la patiente s’interroge car il y a longtemps, dans une autre vie, elle a developpé un diabète après le décès de son mari. Alors elle se demande si tout ça ne pourrait pas être dans sa tête…


Vaste question que celle de madame Y en pleine introspection. Je lui ai répondu avec je ne sais quelle phrase bateau. En effet, habituellement je parviens à répondre aux patients avec mon arsenal de connaissances. Cette fois-ci mes pensées s'entrechoquaient. Je débatais interieurement. Ce que j'avais toujours tenu pour acquis ne me semblait pu aussi vrai. Un peu pris de court, j’ai botté en touche, nous avons rapidement terminé nos échanges et je l’ai quitté.


En sortant de la chambre, la réflexion, elle, a poursuivi son chemin…

Le psychosomatique, cette évidence qu’on nous inculque si tôt dans notre formation mais qui semble toujours aussi étrange lorsqu’on y est confronté. Cette entité qui s’exprime cliniquement a fait l’objet de milliers d’études et ne possède toujours pas de support physiologique. Comment l'expliquer et surout, existe-t-il vraiment?

Je vous livre ici le fil de mes pensées.


Il y a plusieurs manières d’expliquer le psychosomatique. Certain intègre les principes de conversion hystérique qui suppose qu’une tension psychique puisse se transformer pour s’exprimer en tension physique. Or, si le psychique influe sur le physique, le physique impact également le psychologique. Il est donc difficile de dissocier les deux. Mais le psychosomatique se démarque en ce sens que le psychisme est le déclencheur des maux physiques.

Se révélateur de pathologie qu’est l’humeur est fascinant. La découverte d’un diabète après un décès ? qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ?

Probablement une rupture de tolérance.

Une rupture de tolérance du corps qui était comme sauvegardé par l’esprit. Le lundi pas de diabète et le mardi, magie, explosion du taux de sucre.

Alors on peut rationnaliser tout cela. Probablement que le stress induit par le décès a déclenché un shoot de cortisol qui a fait sauter la barrière aux taux de sucre qui attendait derrière. Mais pourrait on se dire que le diabète sous jacent a influé l'humeur voire même la réponse de cette dame à son deuil?

Et son AIT ?

Une simple vasoconstriction due au stress ?


Pas si simple, mais impossible de ne pas prendre la découverte de cette pathologie dans la globalité de la vie de la patiente. Combien de fois m’a-t-on rapporté des découvertes de maladies auto-immunes suite à un déménagement, un décès, une rupture, un viol… Combien de découverte de cancer juste au début de la retraite, lors d’un des grands changements de la vie d’adulte ?

Les mécanismes d’interaction entre la psyché et le corps, le contenu et le contenant, le signifié et le signifiant sont de subtiles mélanges neuro-psycho-physico-chimico-electrico-hormono-enzymatiques et ils ne sont pas ou peu connus. Comme toujours dans l’histoire, les trous béants laissés par la science se remplissent facilement par la croyance.

Si l’on considère comme psychosomatique seulement quelques pathologies données, alors cela contredit l’existence même d’une liaison entre corps et esprit car le corolaire serait l’existence de pathologies dont les évolutions ne seraient pas liées à l’esprit et inversement. Or on sait et on voit tous les jours que des patients à qui l’on diagnostique des pathologies semblables évolueront différemment selon que celui-ci est battant et l’autre plutôt passif, celui-ci heureux ou l'autre triste, l'un accompagné et l'autre seul, etc...


Donc on peut dire que toutes les pathologies ont une composante psychosomatique. Ainsi, le psychosomatique n’existe pas car soit toutes les pathologies le sont, soit aucune ne l’est.


Merci à madame Y. qui m’a fait prendre conscience que le psychosomatique n’existait pas.


C’est ce qui fait la richesse de ce métier, chaque patient est une occasion de repenser notre conception de cet art qu’est la médecine, une science molle balbutiante qui effleure à peine la compréhension du système le plus complexe de l’univers : le corps humain.



"La médecine est une science des pannes, celles de l’organisme humaine…Mais si le médecin est un dépanneur – rien de plus, rien de moins – il est le dépanneur d’une machine dont il ne possède pas les plans."

Lucien Israël.





Iconographie: Segment bleu par Vassily Kandinsky







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