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MÉDECINE APOLINIENNE VS MÉDECINE DIONYSIAQUE

  • Photo du rédacteur: Les carnets d'Asclépios
    Les carnets d'Asclépios
  • 27 juil. 2022
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 mai 2024



La médecine n’en finit pas de me faire écrire. Cette discipline « pas comme les autres » se conçoit de diverses manières. Je voulais vous faire part ici d’une dualité dans l’approche de l’art.

S’il existe autant de façon d’aborder la pratique qu’il peut y avoir de médecins, deux visions opposées me semblent intéressantes à décrire.

D’une part une médecine que je qualifierais d’apollinienne. Cette médecine serait abordée sur un versant logique qui vise à calibrer et protocoliser l’art pour le faire rentrer dans un canon reproductible et immuable. Une médecine à partir de laquelle serait extraite toute pulsion, toute émotion, toute sensation pour se vouloir d’une froideur juste et invariable, brute et impartiale. C’est rassurant. Rassurant pour le médecin qui connait le chemin de sa réflexion qui s’appliquera de manière identique à chaque situation. Rassurant également pour le patient qui sera assuré de trouver la même prise en charge qu’il soit soigné dans une clinique privée de Marseille ou dans un hôpital public de Limoge. Certaines spécialités vont être conditionnées par cette approche inhérente à leur existence. Je pense à des branches comme la radiologie, la biologie ou la neurochirurgie où il n’existe que peu de place pour l’improvisation et l’interprétation (quoi que).

La difficulté de ce mouvent réside dans sa confrontation au patient et donc à l’humain. Si certains malades pragmatiques attendent de leur médecin une approche scientifique et désaffectée, il n’en est pas de même pour une grande partie de la patientèle qui réclame une prise en charge personnalisée et tenant compte du vécu et des désirs de chacun.

Cette approche permet donc un traitement cartésien s’appuyant sur des connaissances aiguisées mais difficiles à faire rentrer dans un carcan individuel.


La médecine dionysiaque va quant à elle s’atteler à s’imprégner du ressenti, à s’alimenter à la source de l’émotionnel pour nourrir l’empathie. Elle laisse l’intuition colorer la prise en charge tout en suivant le fil sensoriel qui se tisse entre le soigné et le soigneur. Cette médecine doit s’avoir s’amender des protocoles rigides pour adapter et rapiécer les différentes branches de l’art. L’œuvre n’est achevée que lorsque le patient est reconnu comme être sensible et biologique vivant dans un milieu socio-économique et culturel donné. C’est ainsi qu’on accordera le traitement à la compréhension du patient, à sa capacité à le suivre, on adaptera la coordination des examens à la possibilité pour le patient de pouvoir se déplacer, qu’on proposera des avis complémentaires en fonction des moyens du patients à régler les honoraires, qu’on proposera telle ou telle prise en charge pour coller au mieux aux croyances du patient. Tel traitement sera donné car mieux accepté quitte à être moins efficace. Cette vision de l’art s’éloigne de la ligne dure et scientifique pour conformer la connaissance au réel de chaque usager. Le risque et de proposer un traitement moins efficace mais mieux toléré.

C’est comme adapter une voiture de course pour un unijambiste. Les aides techniques risquent d’alourdir la voiture en la rendant de fait moins performante, mais c’est le seul moyen de donner au pilote une chance de rester dans la course.


En réalité cette dichotomie n’existe que sur le papier. Il y aura bien quelques intégristes de la rigueur scientifique aussi froid qu’un hiver dans le haut Jura et à l’opposé de chaleureux Gaie-Lurons aussi performants qu’un filet d’eau tiède.


Mais la très grande partie du corps médical oscille entre ces deux pôles. Se rapprochant de l’un ou de l’autre en fonction de son expérience, de ses réussites, de ses échecs, des patients rencontrés, des confrères et consoeurs consultés, du moment de la journée, de la saison, et de tout ce qui est en mesure de toucher l’affect et l’intellect. Se crée ainsi un art vivant et changeant, un corps en mouvement qui explique sa complexité, son caractère insaisissable, voilà ce qui fait que la médecine est une science humaine, pratiqué par l’Homme pour l’Homme, voilà ce qui fait la complexité de soigner, la beauté d'aborder chaque rencontre comme un nouveau chemin à tracer dans les méandres de l'inconnu avec comme seule carte que la connaissance et pour seule bousole que l'empathie.





Iconographie: Dichotomie par Anne Mie De Lobel









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