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L'OMBRE BLANCHE

  • Photo du rédacteur: Les carnets d'Asclépios
    Les carnets d'Asclépios
  • 24 juin 2021
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 18 juin 2024



Je te dédie ces mots, à toi, la soignante sans nom, celle que je croise ici et là, dans un couloir, derrière un chariot, toi dont les mots n’ont jamais excédé cette conversation composé d’un murmure, un « bonjour » que tu susurres, le « bonjour » discret que tu souffles sous ton masque qui te camouffle. La discrétion, mot dont tu es l’incarnation, discrétion de la délicatesse, discrétion de la politesse.

Point de mot futile, une présence simple et utile. Tu ne pouffes jamais dans les couloirs, tu ne te plaints pas de ton sors, tu travailles à ta mission à laquelle tu t’attèles sans ménager d’efforts. Traversant les journées en évitant toutes ses personnes à proximités qui pour exister se sentent obligées d’être remarquées, par leur voix, par leurs gestes, par leurs exploits qu’elles manifestent, toi tu traces ton petit sentier de patient en patient jusqu’au dernier à soigner tel un petit poucet hospitalier.

Dans le coin de la pièce, timide et peu loquace, quand tout le monde boit le café et parle et crie et s’esclaffe, deux petits yeux sous une mèche de cheveux se délectent d’une gorgé pour réchauffer se corps malmené.

Je vois le flux des individus qui t’évitent inconsciemment comme un caillou au milieu d’un torrent. Je remarque chaque jour cette prouesse, ce don de soi, cette tendresse, cette foi dans le bien, la poétesse du soin. Dans la lumière d’une porte mal fermée où en entrant dans cette intimité, je te vois le matin glisser tes mains sur ces corps fatigués pour prodiguer le soin, la toilettes et adoucir le destin. Je remarque ces doigts minutieux et bienveillants qui jamais ne s’arrêtent malgré le temps et les tourments. J’admire cette manière délicate de tourner les patients grabataires comme si leur corps était de verre.

Je suis passé les midis et les soirs et dans ces pièces mal éclairées dans la nuit, dans le noir, sous ces néons jaune pâle présentant des peintures affreuses, tu étais là, silencieuse, à donner patiemment chaque cuillerée à ces malades dépendants de tes gestes prévenants.

Pas un mot, pas une vague, juste une fragile droiture, une docile toiture, une décence d’une grande sagesse, une patience d’une grande gentillesse, de celles qui ne cherchent ni reconnaissance ni fausse politesse. De six heures à quatorze, de l’après-midi jusqu’à la nuit, chaque jour ce rituel, cette justesse dans le zèle.

Personne ne te voit, et jamais du bien on ne dira, mais sache qu’au travers de ce brouhaha, de cette tempête de bruits, de gestes et de cris, j’ai aperçu ce regard pur qui toujours assure un juste geste sûr à cet homme à cette femme tombés là dans l’engrenage pénible d’une maladie horrible. Tu es la protectrice, la gardienne, la ligne directrice, la base certaine, l’ombre blanche bienveillante, une Aide-Soignante.





Iconographie: Jeune fille de profil à la couronne de feuilles par Marie Laurencin.







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