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  • Photo du rédacteur: Les carnets d'Asclépios
    Les carnets d'Asclépios
  • 8 août 2022
  • 2 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 mai 2024



Un peu groggy par le plat de frites que je venais de déglutir, je traversai l’hôpital à petits pas pour m’avachir dans mon fauteuil à roulettes. Le cerveau mal irrigué, je décidai d’accomplir ma B.A. journalière qui consiste à consulter mes mails. Une purge que je m’inflige chaque midi. Je tombe sur un rapport statistique des activités de mon service et découvre avec un œil amusé les graphiques, camemberts, diagrammes et pourcentages permettant de mettre en image les notions de « nombres de passages », « durée d’hospitalisation moyenne », « mode d’entrée », « mode de sortie », « tranche d’âge », et j’en passe. Cette récréation colorée parvient tout de même à me stimuler le cortex lorsque je tombe sur le « taux d’occupation des lits ». Comme son nom l’indique, il s’agit de quantifier le temps où un lit est plein.

Explication : vous prenez un lit, vous le remplissez avec un tas d’organes en interaction que nous médecins appelons êtres humains mais que l’administration nomme IPP (numéro identification patient permanent). Admettons que L’IPP, pardon, le patient utilise le lit pendant 9 jours puis qu’il sorte (ou meurt, mais on préfère la première solution, c’est mieux pour les stats). Le lit est libéré et il se passe 1 jour avant d’être de nouveau utilisé : taux d’occupation du lit pendant les dix derniers jours : 9 jours sur 10 soit 90%.


Un lit vide ce n’est pas rentable, donc on le ferme. Sauf que les besoins sont fluctuants, en fonction de la météo, de la saison, des épidémies, du bassin de population, de la situation socio-économico-électoralo-psycho-J’ai pas la chute.

C’est comme si on vous expliquait que nous n’avons plus besoin de chasse-neiges car on ne les utilise pas la majeure partie de l’année. Où que les camions de pompiers sont inutiles parce quand même il n’y a pas des feux tous les jours.

Mais le taux d’occupation que j’ai vu dans mon courrier n’était pas de 90% mais bien de 104,1. Oui oui, 104,1%.

J’imagine que ça doit cogiter sous le casque. Vous vous demandez comment on peut avoir un taux d’occupation supérieur au maximum possible. Plusieurs patients dans le même lit ?

Presque. Je vous la donne : on met plusieurs patients dans la même chambre. Une chambre double : on en met 3, une chambre simple, on en met 2.

Ça m’a choqué en le lisant car cette mesure d’urgence s’est tellement chronicisée que les statistiques en sont modifiés. On arrive donc à être plus qu’à flux tendu sur plusieurs mois, nous sommes en trop plein.

Cette situation n’était pas sans me rappeler ce que l’on voit dans nos prisons, commissariats, écoles…

Voici la conclusion de ma pause post-prandiale : On a les services publics qu’on mérite.




Iconographie: Oeuvre sans titre de Takashi Murakami







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