LOW COST
- Les carnets d'Asclépios
- 10 févr. 2024
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 mai 2024

La médecine est à l’image de la société dans laquelle elle évolue. Tout comme les autres rouages de notre système « moderne » et « civilisée », la médecine ne fait pas exception et se voit marchandisée (barbarisme) et de fait, low-costisée (et de deux).
Ainsi, nous sommes face à une société qui souhaite pouvoir bénéficier d’un avis médical pour tout et l’inverse de tout et ce, à n’importe quel moment et le plus rapidement possible.
Cette consommation de la Santé est pourtant incompatible avec les ressources médicales actuelles qui se font de plus en plus rares.
Alors, nos dirigeants, toujours prompts à pratiquer la gestion à la petite semaine, préfère coller des rustines plutôt que d’établir un plan quinquennal voire, laissons-nous à rêver, quinquagennal.
Nous voyons donc glisser rapidement notre système, pourtant réputé être le meilleur au monde il y a bientôt 25 ans, vers un système bas de gamme.
Pour faire face à la pénurie médicale, voici quelques mesures mises en place :
1- La médecine derrière le comptoir.
Plus de place dans les cabinets médicaux ? Qu’à cela ne tienne, envoyons les patients dans les pharmacies. « Mais un pharmacien n’est pas un médecin ! » répondit l’autre. « L’Homme d’officine porte une blouse, quelle autre preuve vous faut-il ? ». CQFD.
Et voilà la délégation de tâche qui s’opère.
Vous avez mal à la gorge, le pharmacien est habilité à vous faire un test de dépistage des angines bactériennes. Test positif : antibiotiques, négatif : pas d’antibiotiques. C’est réduire la décision médicale à ce que pourrait faire un singe.
Mais y a-t-il une ulcération ? Un abcès ? Un phlegmon ? Une otite associée ? Un contexte nécessitant de mettre des antibiotiques malgré un test négatif ? Des signes d’angine de Vincent ? De mononucléose ? A-t-on écouté les poumons ? Le cœur pour éliminer un souffle ?
Non !
Vous faite le test et partez ou non avec vos antibios, ni plus ni moins que de la médecine fast-food.
En bon citoyen, je me laisse aller à un conseil, peut-être le drive reste-t-il à développer.
Imaginez-vous sortir la tête de la voiture, petit écouvillon dans la gorge et vous prenez vos traitements au prochain guichet. De mon fantasme à la réalité, il n’y a qu’un pas…
2- Le jeu de fléchettes
Les pharmaciens vaccinent, le geste est simple, à la portée de tous. Pourquoi garder cet acte sous le giron des praticiens ? Une piqûre dans le bras et c’est fini, quoi de plus bateau ?
Mais que faire quand madame E. atteinte d’une maladie auto-immune vient pour réaliser son vaccin ROR non à jour ? Que faire quand monsieur T. a présenté un zona trois semaines plus tôt ? Les vaccins vivants atténués chez les patients fragiles, que faire ?
Et bien on appelle le médecin ou bien on improvise.
Avec cette pratique, on met de côté les bénéfices secondaires de la consultation. Lorsque que je dois administrer un vaccin, je ne fais pas seulement un acte technique, je discute avec le patient, jette un œil discret à son grain de beauté, fais le point sur d’autres problématiques et prend la température ambiante à un instant T de la vie du patient.
Les pharmaciens sont des professionnels hyperspécialisés dans la chimie médicale, la médication, les thérapeutiques mais ça ne fait pas d’eux des médecins.
Devant la surcharge de travail pour mes collègues d’officine, je me propose d’assurer la vente de quelques médicaments… Affaire à suivre.
3- Photomaton
Autre trouvaille, les cabines de téléconsultations. Ces cabines sont à la médecine ce que le photomaton est à la photographie d’art. On se place face à un écran à travers lequel un médecin caché quelque part en France vous offre ses services. Un enfant vient parce qu’il a mal à l’oreille… difficile pour notre médecin d’examiner le marmot car maman n'arrive pas à gérer l'angle du conduit auditif. Après plusieurs minutes d’un simulacre de consultation, l’enfant partira avec sa dose d’antibiotique potentiellement inutile…
Toute cette modernité m’excite les cellules grises et je rêve de voir Netflix proposer un service de téléconsultation directement à la maison pour seulement 9€99/ mois. Je dépose l’idée.
4- Glissement des responsabilités
Toujours dans la même veine de répartir les efforts, une campagne est lancée pour faire pratiquer par les autres ce que les médecins réalisaient avant.
Ici on forme des infirmières en pratiques avancées, là on demande aux sages femmes de jouer les gynécologues, ici on laisse les opticiens pratiquer les tests ophtalmologiques, les manipulateurs radio les échographistes et voilà que gentiment mais surement le socle de la médecine s’effrite sous les assauts répétés de nos politiques bien intentionnés.
Sur la forme, la population est heureuse car elle peut ainsi bénéficier de soins rapides, sur le fond, on voit déjà des patients venir en consultation où nous assurons le service après-vente de ces pratiques fallacieuses. Le contre argument à ma démonstration est toujours le même, « c’est mieux que rien », certes, mais pas sûr qu’il n’y ait rien de mieux.
Pour conclure, j’aimerais apporter ma pierre à la déconstruction de l’édifice, je ferai cette proposition à nos dirigeants, celle dont je suis le plus fier, une piste encore inexplorée mais qui n’aurait pas à rougir de ce qui est déjà mis en place : Et les vétérinaires dans tout ça ?
Iconographie: Image promotionnelle Leg Avenue – Asticonet.com
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