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L'OBSCURANTISME EN MÉDECINE: LA PHYTOTHÉRAPIE

  • Photo du rédacteur: Les carnets d'Asclépios
    Les carnets d'Asclépios
  • 9 nov. 2021
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 27 mai 2024




J’ai hérité de mon grand-père la capacité de lire les éléments de la nature. J’ai appris à reconnaitre les champignons de loin parce que « si tu ne l’as pas reconnu à trois mètres et que tu dois te pencher au-dessus c’est que tu ne le connais pas ». J’ai appris à lire les vents et les nuages, les cris d’animaux et les vols d’oiseaux. Je sais pêcher à la main et identifier un poisson au toucher en glissant mes doigts sous une pierre. Il m’a transmis ce goût de la lecture du vivant. Alors quand j’ai commencé mes études de médecine, je me suis rapidement intéressé à l’étude des plantes médicinales de ma région natale. Quelle déception de constater le nombre de sottises qui sont enseignées dans cette discipline qu’on nomme la phytothérapie. Quand on sait le réel apport des « simples », on fait vite le discrédit de certains médecins avides et mercantiles qui affiche l’étendard « phytothérapeute » là où ils pourraient écrire « charlatans ».


Qu’en est-il réellement de cette discipline ?


Terme formé de phyto, les plantes, et thérapie, le traitement, cette branche de la médecine qui se base sur la thérapie par les plantes est malheureusement polluée par de nombreuses croyances qui rendent difficile sa compréhension exacte que je vais tenter de décortiquer.


Contrairement à l’homéopathie qui ne présente absolument aucune efficacité autre que l’effet placebo, il convient d’être moins tranché quant aux effets des plantes.


Commençons par le commencement. La phytothérapie, même si elle ne portait pas ce nom, est une pratique qui existe certainement depuis l’aube de l’humanité. L’Homme a toujours utilisé les éléments de son environnement pour tenter de traiter ses pannes. Avant le Néolithique, le chasseur-cueilleur utilisait des plantes pour se nourrir. De l’alimentation à la médication, il n’y a qu’un pas. S’il est difficile de préjuger des débuts réels de cette pratique, on a retrouvé des tablettes gravées faisant mention de l’usage des végétaux il y a près de 5000 ans en Mésopotamie.

Dans l’antiquité, leurs utilisations sont beaucoup mieux connues car décrites par les égyptiens puis par des auteurs grecques et notamment par Hippocrate.


Au cours des siècles et jusqu’à l’avènement de la science moderne avec l’isolement des principes actifs, les différentes cultures du monde ont utilisé la flore avec une connaissance empirique, parfois mystique et ce avec plus ou moins de réussite.


Lorsque advient l’ère de la science, l’industrie pharmaceutique s’empare de ce marché à ciel ouvert. Beaucoup de traitements utilisés aujourd’hui sont des dérivés de molécules naturelles : La morphine, la digitaline, le curare, la colchicine, la chloroquine, l’aspirine…

La phytothérapie est donc utilisée en médecine moderne mais de manière scientifique, c’est-à-dire que les molécules intéressantes sont isolées, parfois purifiées, stabilisées et créés de façon synthétique si besoin. La science fait donc mieux que la nature. Pour le dire autrement, elle s’en inspire pour en extraire la matière brute qu’elle raffine pour ensuite la rendre utilisable.


Pour imager, l’aspirine fait figure d’exemple. On retrouve traces de l’utilisation de l’écorce de saule sur des papyrus de l’Egypte antique en 1550 av J.C. pour soulager douleurs et fièvres.

Empiriquement, il existait donc une efficacité.

En 1828, Johann Andreas Buchner extrait l’acide salicylique de cette écorce. Dans les suites, de multiples travaux se mettent en œuvre pour extraire, isoler, concentrer le principe actif. Malheureusement, les résultats sont décevants. La molécule est thermolabile et ses effets indésirables contraignants avec notamment l’apparition de terrible douleurs de l’estomac. Passée au filtre de la science, l’écorce de saule n’est pas la panacée. C’est en 1859 qu’Adolph Kolbe pose le brevet de la synthèse chimique de l’aspirine que nous connaissons. Si la base est naturelle, la fabrication ne l’est plus. Par contre la substance est stable, utilisable, comparable d’une utilisation à l’autre et elle est ainsi devenue ce médicament indispensable utilisé partout dans le monde par des centaine de millions de patients.

Ainsi, utiliser de l’écorce de saule ou de la reine des prés (qui contient également des salicylées) aujourd’hui, c’est faire un bon de deux siècles en arrière pour refaire les mêmes erreurs et ne pas profiter d’un produit optimal.


Il existe donc de la place pour une réelle discipline du maniement des plantes or la phytothérapie est parasitée et repose, pour beaucoup de ses acteurs, moins sur la science que sur la croyance et l’expérience empirique biaisée en tous sens.

Quand je feuillette les ouvrages dédiés, je suis effaré de lire les effets bénéfiques de la grande chélidoine ou de la petite pervenche ou encore de la pulmonaire officinale : Plantes efficaces sur « l’inconfort intestinale », « les vomissements », « les douleurs rhumatismales » « les fatigues passagères » « les états dépressifs légers ». Je veux bien qu’une plante soit efficace sur tout, mais il faut que l’on m’explique comment et pourquoi une molécule si polyvalente n’est pas utilisée et brevetée par les laboratoires avides de monopoles et de profits. De plus, comment une molécule agissant sur tellement de systèmes complexes peut être exempte d’effets indésirables ?

Si certaines plantes comportent plusieurs substances actives, sont-elles toutes réellement efficaces ? N’existe-il pas des interactions entre elles ? Est-ce licite de consommer une plante en recherchant l’effet de la molécule C tout en consommant la molécule A, B, D qui sont alors inutiles ?


Je ne tomberai pas dans le piège de la généralisation. Certaines plantes ont des actions ciblées et intéressantes. C’est le cas par exemple du millepertuis perforé qui possède une action d'antidépresseur élevée et avérée. Plusieurs études démontrent un bénéfice dans les épisodes dépressifs légers à modérés. Il semblerait également que la consommation de la plante entière soit plus active que les molécules réputées efficaces qui s’y trouvent.

Cette plante a par ailleurs une activité hépatotoxique, c’est-à-dire que son mésusage peut entrainer des atteintes du foie. Comme toute substance, son excès, bien que le produit soit « naturel » peut entrainer des dégâts.

Voici donc l’une des exceptions de la pharmacopée végétale.


Mais comme on ne peut créer une spécialité avec seulement quelques produits, les phytothérapeutes proposent de multiples espèces utilisées pour des motifs fallacieux : "visée épurative", "anti-toxinique", "renforcement" et autant de termes qui ne veulent absolument rien dire mais qui donne l’impression de se purifier par la nature. On rejoint le paradigme qui voudrait que « ce qui est naturel est forcément bon pour nous ». La majorité des plantes utilisées dans ce domaine n’ont soit jamais prouvées leur efficacité soit clairement montrées le contraire. Utilisées majoritairement dans le domaine des petits maux du quotidien, elles ont l’avantage d’apporter cette sécurité du « Si ça marche tant mieux sinon tant-pi ». Ça n’en reste pas moins de l’escroquerie.

Les fondations de la phytothérapie moderne et de ses utilisateurs sont construites en grande partie sur la croyance, cette croyance qui est l’un des fléaux les plus importants de l’humanité. En comblant les trous de notre ignorance, elle laisse difficilement la place à la science, elle est insidieuse et s’immisce dans les failles des esprits enclins à la faire grandir. Et bien j’encourage fortement les croyants à aller boulotter du muguet ou de la digitale pourpre pour mettre à l’épreuve leur foi(e).


En conclusion, je dirais que je me suis beaucoup intéressé à cette discipline de par mon amour de la nature et mon éducation champêtre. Malheureusement, même si mon cœur aimerait trouver aux bords des chemins de quoi suppléer à la pharmacopée connue, ma raison m’oblige à constater que ce n’est qu’une fable que les grands groupes pharmaceutiques auraient rapidement repris à leur compte si elle était vraie.


La flore sauvage est un réservoir naturel de molécules utilisables mais les plantes ayants un réel attrait ont été phagocytées par l’industrie du médicament. La majorité des substances restantes sont en réalité utilisées dans cette médecine de la bobologie qui s’appuie au pire sur l’effet placebo et au mieux sur un effet modéré avec des risques d’effets secondaires.

Il existe une mode très agressive du « retour à la nature ». On souhaite manger naturel, s’habiller naturel, vivre naturellement et se soigner par la nature. Cette mode est bien souvent plus solide chez des citadins bien ignorants des choses du vivants. Ce courant de pensées sous-entend qu’il est plus sain de se prémunir des maladies grâce à la nature qui contient tous les remèdes du monde. Dans cette croyance, la nature est « pure ». Je pense que les populations au contact direct avec la planète doivent sourire quand ils pensent à tous les poisons et pièges qu’elle renferme. Si la nature était si exceptionnelle, pourquoi l’humanité a-t-elle attendu l’avènement de la science pour soigner les pathologies et augmenter son espérance de vie?

Parce que c’est la science qui a su extraite ce qui pouvait l’être de notre planète.


Malheureusement, des médecins ignorants, malsains ou les deux cultivent une aura mystique concernant des molécules inutiles voire dangereuses. Alors consommez en restant prudent et si l’on vous vend du rêve, fuyez sans vous retourner.



La nature n’est pas ce que l’on pense qu’elle est, elle est, un point c’est tout.




Iconographie: Des ents par Gonzalo Kenny







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