DE L'AUTRE CÔTÉ
- Les carnets d'Asclépios
- 5 févr. 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 mai 2024

Aujourd’hui, dans ce récit, je passe de l’autre côté car je vais vous retranscrire mon ressenti en tant qu’utilisateur du système de soin.
Ma femme et moi attendons un merveilleux événement. Le bébé se fait désirer et nous nous présentons comme convenu le jour du terme pour s’assurer que tout va bien.
Il s’agit d’un hôpital public neuf ouvert il y a un an. Nous sommes samedi matin, il fait frais mais le soleil est au rendez-vous et c'est ainsi que nous arrivons aussi détendu que nous puissions l’être à ce moment. La première étape est le bureau des entrées. Nous approchons d’un guichet derrière laquelle se trouve une secrétaire. Entre nous, une plaque de plexi-glace d’un centimètre d’épaisseur percée de quelques trous. Débute alors une scène comique : la secrétaire n’entend pas ce que nous lui disons, nous n’entendons pas ce qu’elle nous demande et je vous laisse imaginer trois visages collés à une vitre à hurler pour communiquer alors que quelques millimètres nous séparent. L’acoustique du hall étant bien pensée, les paroles des patients au guichet, en l’occurrence nous, résonnent dans la salle d’attente et aux guichets voisins. Pour un peu, nous aurions cru à une caméra cachée, ce qui nous a fait beaucoup rire ma compagne et moi. Celui qui ne rigolait pas, c’est ce patient à côté forcé de hurler perdre du sang par l’anus. Ce dernier m’a regardé très gêné, regard que j’ai fui pour ne pas l’embarrasser outre mesure. Quelques minutes s’écoulent et nous voilà pris en charge par une charmant sage-femme. Exemple de professionnalisme, Dorine pour ne pas la citer, a su nous parler avec une grande douceur. Á l’écoute, elle n’a omis aucune question et surtout a laissé ma compagne s’exprimer. Après être rentrés dans cette petite pièce, elle m’a invité à m’assoir près de ma moitié le temps du monitoring.
Quand est venu le temps du toucher vaginal. La maïeuticienne a eu la délicatesse de se réchauffer les mains puis de s’assurer à quatre reprises lors de son geste qu’elle ne déclenchait aucune douleur. Tout a été décrit, nous avons été rassurés puis elle nous a invité à rejoindre une salle d’attente pour que la gynécologue réalise une échographie.
Dans cette salle se trouvaient deux femmes.
Dès notre arrivée, une dame qui semblait travailler dans le service s’est présentée dans le couloir avec sa fille, qui elle ne semblait pas très inquiète. Après quelques familiarités avec l’équipe soignante, elle l’a fait passer devant tout le monde…
Chacun jugera mais le minimum aurait été de ne pas être si ostentatoire vis-à-vis des patientes déjà inquiètes qui attendaient depuis un certain temps voire un temps certain.
Après cette consultation "privée" entre en scène la doctoresse. Elle se présente devant la salle d’attente, demande madame A., ma compagne. Nous nous levons, elle laisse passer ma femme et me bloque en lançant : « Vous, vous restez là, ma pièce d’examen est trop petite ! » terminé bonsoir il n’y a rien à voir ! Sans autre forme de procès et après avoir lancé cette pique avec dédain et mépris, elle m’a tourné le dos et a rejoint ma femme déjà devant dans le couloir.
Je n’ai rien répondu, je me suis assis et j’ai attendu.
Pendant l’attente, une femme se présente à l’accueil des urgences gynécologiques. Autre lieu, même ambiance, interrogatoire dans le couloir laissant le loisir à toute la salle d’attente de connaitre le motif de consultation. Amis de la confidentialité, bonjour !
Cette patiente arrive accompagné d’un homme. Vingt-cinq ans tout au plus, ils semblaient former un couple bien que je n’en ai pas la preuve. Ils laissaient tout deux transparaitre de l’inquiétude sur leur visage. Cinq minutes après leur arrivée, une blouse blanche entre dans la salle d’attente et s’exclame vers la dernière arrivante : « Je vais vous prendre les constantes, ça sera fait ». Elle commence donc à prendre la température puis la tension artérielle au milieu de cette petite pièce d’à peine dix mètres carrés. La jeune femme enlève son T-shirt pour libérer son bras, j’évite de croiser son regard mais je sens l’inconfort du couple d’être exposé ainsi. Les autres patientes étaient tout aussi embarrassés d'assister à cette scène. Déformation professionnelle: la tension était de 13/8. Amis de la pudeur, bienvenue.
Les lèvres me brulaient de faire une remarque alors même qu’un box d’examen se trouvait vide juste devant la salle d’attente.
Rapidement après, ma compagne m’a enfin rejoint, nous sommes sortis mais je n’ai pu m’empêcher de jeter un œil dans cette pièce a priori « trop petite » pour m’accueillir, pièce qui devait être deux fois plus grande que la salle de monitoring et trois fois plus que la salle d’attente…
Cette femme mal élevée ne voulait simplement pas que j’accompagne ma moitié.
Peut-être craignait-elle de s’encombrer de mes questions, peut-être n’aime-t-elle pas les hommes, peut-être n’aime-t-elle pas les gens, avait-elle oublié son savoir vivre ce jour-là ou bien ne voulait-elle pas être emmerdée par ces con(ne)s de conjoint(e)s de patientes?
Quoi qu’il en soit, ce docteur a menti et a fait abus de sa fonction pour casser une chose qui est institutionnalisée depuis une quinzaine d’années dans les maternités, c’est l’implication du conjoint dans l’accompagnement de la grossesse. Les études sont unanimes : meilleure implication dans les soins de l’enfant, moins d’angoisse pour la maman, meilleure compréhension de la prise en charge pour l'accompagnant(e), etc…
Dix secondes de plus pour m’expliquer les choses auraient considérablement changé mon impression.
Je me suis senti dépossédé du moment, mis à l’écart. Ma femme a été choquée, angoissée et a également trouvé que ce médecin gâchait l’instant. J’avais un peu honte aujourd’hui de faire le même métier qu’elle.
Il y a encore beaucoup à faire dans nos hôpitaux en 2021 sur la relation avec les usagers, la confidentialité, l’humanité, le respect et l'épaisseur des vitres en plexi-glace...
NB : Ce qui est triste dans tout ça, c’est que comme nous, je suis certain que vous avez oublié Dorine qui a pourtant été parfaite.
Iconographie: Maman par Louise Bourgeois et photo de Jordi Martorell.
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